Consolidation des ressources locales

Publié le par Belkhiri

Malgré les termes récessifs de l‘économie nationale liés principalement à la conjoncture économique internationale défavorable, le budget des collectivités locales a évolué considérablement au cours des deux dernières décennies défiant le contexte de rareté financière.  Ainsi, les recettes des collectivités locales ont progressé depuis 1977 à nos jours à un rythme annuel moyen de 14%.

          Au cours de la même période le budget de l'Etat a quintuplé enregistrant un rythme d’accroissement annuel inférieur de 6 points à celui observé dans les collectivités locales. 

         Au regard des agrégats de la comptabilité nationale, la contribution des collectivités locales à la formation de la richesse nationale reste très faible. En effet, la valeur ajoutée des collectivités locales ne participe que faiblement au PIB national : moins de 1% au cours des années 90.

 En matière d’investissement productif, le rôle économique des collectivités locales n’est plus à démontrer, la Formation Brute du Capital Fixe (FBCF) locale, comprenant l’ensemble des dépenses effectuées pour l’acquisition d’actifs fixes, constitue 41% de la FBCF publique en 1996. Cette part a connu une forte évolution, elle n’était que de 12% en 1980.

 La forte progression des ressources locales a été rythmée successivement par l’allocation, à partir de 1987, de 30% du produit de la TVA aux collectivités locales, le transfert à celles-ci du produit de l’impôt des patentes consécutif à la reforme de la fiscalité de l‘Etat, la réforme de la fiscalité locale et la réorganisation du Fond d’Equipement Communal.

 En effet, depuis l’année 1976, an n° I de la décentralisation,

 La consolidation des ressources communales qui découle d’une prise de conscience de la nécessité de mettre à la disposition des édiles locaux, les ressources financières conséquentes sans lesquelles la décentralisation serait vidée de sa substance. Ainsi, pour permettre aux collectivités locales d’accéder à un matelas de ressources de plus en plus important plusieurs voies ont été empruntées. 

 La réexamen des critères de répartition de la TVA est sans conteste l’action la plus remarquable menée durant ces cinq dernières années en direction de la réalisation de la sacro-sainte autonomie financière, de la recherche d’une péréquation entre communes et de la récompense des efforts de recouvrement des taxes. Par ailleurs, la mobilisation des prêts FEC est loin d’être atteinte et le recouvrement et la gestion des taxes locales appellent une réflexion profonde.

 Par ailleurs, l’évolution quantitative des ressources ne rend pas compte de l’insuffisance des recettes locales, celles-ci ne constituent à ce jour que 10% des recettes publiques. Elles restent en deçà des besoins nés d’abord des déficits accumulés en matière d’infrastructures et d’équipements, des besoins dus à une croissance démographique élevée (2,06% annuellement) et ensuite aux transferts de compétences aux communes sans moyens conséquents. L’insuffisance des ressources est accentuée par des difficultés de gestion.

 L’exiguïté de la surface financière constitue pour nombre de communes un handicap majeur et ne permet pas à certaines d’entre elles de prendre en charge les dépenses ordinaires. En 1998, le niveau des recettes globales par habitant se situe pour l ‘ensemble des communes marocaines à 600DH seulement, à titre de comparaison, cet indicateur a enregistré en 1995 plus de 20.000DH par habitant pour les collectivités locales françaises.

 Cette communication tente d’interpeller la gestion des ressources par les communes et essaie d’éclairer des pistes à même de permettre aux entités locales de consolider leurs ressources financières, elle met l’accent surtout sur les recettes fiscales. D’une manière générale, l’amélioration des ressources financières doit être recherchée dans plusieurs directions :

 1-    Mobilisation des ressources ;

 2-    L’adoption d’une stratégie managériale ; 

 3-    La levée des difficultés exogènes à la gestion communale.

 1-Mobilisation des ressources

 En matière de ressources locales et en schématisant à l’extrême on distingue les ressources propres, du produit de la TVA et de l’emprunt. Les possibilités d’amélioration des ressources sont possibles sur toutes les composantes.

 Fiscalité locale : des manques à gagner assez importants

 S’agissant des recettes fiscales il y a lieu de distinguer les taxes locales des impôts rétrocédés que certains considèrent comme étant des impôts locaux dont la gestion est déléguée aux services de l’Etat contre une proportion retenue par ce dernier à titre de frais d’assiette et de recouvrement.

 Une analyse des restes à recouvrer visant à dégager la part des sommes admises en non-valeur est également une mesure qui permettra aux collectivités locales de mieux cerner leurs potentiel en ressources et leurs prévisions .  Plusieurs voix s’élèvent aujourd’hui pour l’adoption du régime français en matière de gestion des taxes locales dont le recouvrement est assuré par les services de l’Etat. Selon cette expérience l’Etat garanti la totalité des recettes fiscales aux communes, avant leur recouvrement. Ce qui permet à la collectivité locale de s’assurer des ressources stables et fait que les services de recouvrement soient tenus par une exigence de résultat.

 La réforme de la fiscalité locale est intervenue à la suite de pluies de critiques dont a fait l’objet l’ancien système, taxé de complexité et d’improductivité. Ainsi, plusieurs objectifs ont été assignés à la dite réforme notamment la recherche d’une simplification du système fiscal et le doublement du rendement des taxes locales par l’extension de la fiscalité à des secteurs non touchés auparavant.

 Si sur le plan quantitatif des résultats tangibles ont été observés, la situation reste très différenciée selon les catégories de communes ou entre communes.

 Le fait d’accorder aux conseils la latitude d’adopter les taux de certains impôts et taxes, dans la limite d’une fourchette fixée par la loi constitue sans doute l’une des innovations majeures à mettre au crédit de la réforme.

 Néanmoins, la plupart des conseils adoptent des taux minimums, privant ainsi leurs collectivités locales de ressources tant attendues et indispensables au financement du développement local. Dès lors le relèvement des taux est primordial. A ce titre, la comparaison avec les niveaux enregistrés par la même famille de communes pourrait être retenue afin de mesurer l’effort consentit par une collectivité locale. Ainsi, les conseils pourraient adopter au moins le taux moyen réalisé par les communes de même profil financier.

 La recherche d’une consolidation des ressources locales appelle aussi une nouvelle philosophie d’appréciation de la fiscalité, cette dernière ne doit plus être cantonnée à une simple opération de prélèvement sur les revenus mais plutôt constituer un acte de citoyenneté.

 Des gains en efficacité sont réalisables moyennant l’amélioration des méthodes de gestion des impôts et taxes locaux. La gestion actuelle ne permet ni une visibilité ni une appréciation de la contribution spatiale ou par catégorie socioprofessionnelle aux recettes fiscales. L’identification des contribuables et la constitution de fichiers des redevables présente un atout majeur en ce sens qu ‘elle permet l’édition des états par contribuable. Se faisant, elle rend aisé le contrôle de l’évasion fiscale. Il offre ainsi à la collectivité locale l’opportunité de lier la fourniture d’un service au règlement des impayés.

 L’une des grandes aberrations constatées est relative au maintient de la gestion des taxes à faible rendement. En effet, les gestionnaires omettent de comparer le coût de gestion d’une taxe à son rendement. De tels rapprochements permettent de juger de l’opportunité de maintient ou d’abandon d’une taxe.

 Il va sans dire que la liste étendue des impôts et taxes locaux va à l’encontre de l’objectif de simplification recherché par la réforme ; Il est paradoxal de constater que la commune qui est appelée à remplir une fonction d’animation économique se trouve, par son système fiscal dissuasif et au nombre d’impôts et taxes important, entrain d’exercer un effet « push » sur l’investissement. Tout cela milite pour la réduction du nombre d’impôts et taxes à un noyau dur ne comportant que ceux ayant un rendement élevé.

 L’un des traits marquants de la fiscalité locale est son caractère urbain. Le Maroc ne fait pas exception, ce sont évidemment les villes qui concentrent l'essentiel des hommes et des activités et par conséquent de la matière imposable.

 Pour les communes rurales marocaines, cette situation est compensée par les mécanismes de répartition de la TVA notamment par le critère « potentiel fiscal » ayant d’ailleurs le poids le plus important. Celui-ci joue en faveur des communes rurales.

 L’opportunité de délimitation des centres n’est pas à démontrer. Plusieurs centres sis dans des territoires de communes rurales n’étant pas délimités privent la collectivité locale concernée de recettes importantes qui seraient dégagées par l’application des taxes liées à l’urbanisation.

 Cette procédure étant lourde, la réflexion encours s’oriente vers la substitution des « autres centres » identifiés lors Recensement Générale de la Population et de l’Habitat aux centres délimités. Ils seront déclarés éligibles à la fiscalité urbaine et les mécanismes d’actualisation de leur nombre seront implicites et interviendront automatiquement après chaque recensement de population. 

 Patrimoine des CL : très peu connu et non valorisé

 « La richesse d’une collectivité locale… se mesure à l’étendue de son actif et à sa capacité de l’entretenir et de le développer »[1]. S’agissant des nos communes nul ne doute que le manque à gagner est assez important et que, à l’avenir, les solutions pour l’amélioration du niveau des recettes seront à rechercher sur le terrain de leur patrimoine.

Il est également certain que ce patrimoine demeure improductif. Les raisons sont multiples et tiennent d’abord à la presque méconnaissance des actifs patrimoniaux, au défaut de leur valorisation et enfin à l'improductivité du patrimoine locatif en terme de rendement et du niveau de recouvrement de ses recettes, ainsi qu’à l'absence de politique d'entretien.

 La faiblesse des rendements, des tarifs et des redevances perçues à l’occasion de cession ou de location ou d’exploitation des biens communaux d’une part et leur non-évolutivité, conjugués à la  faiblesse du recouvrement d’autre part expliquent les raisons de la faible contribution du patrimoine communal à la consolidation des ressources. Tout cela appelle une adaptation des prix et tarifs et la mise sur pied de mécanismes de leur actualisation.

 Le produit de la TVA

 L’actuelle méthode de répartition de la TVA repose sur trois critères : le forfait, la péréquation, et l’effort fiscal. Si les deux premiers sont indépendants de la gestion communale, la collectivité locale peut s’assurer une part plus importante en améliorant le recouvrement de ses taxes.

 2- Adoption d’une stratégie managériale

 Les territoires ne sont plus des espaces inertes ; Des complémentarités ou des rivalités peuvent naître entre eux. C’est dans cet esprit qu’est née le marketing territorial qui suppose la mise sur pied de structures d’accueil de l’investissement par le renforcement des équipements et infrastructures et l’adoption d’une démarche visant à vendre les forces du territoire aux investisseurs potentiels.

 Ces systèmes d’information peuvent devenir des outils redoutables aux mains des décideurs locaux. Au delà de la description de la réalité, ils permettent d’établir des relations dans le passé qui sous l’hypothèse de valoir dans l’avenir opinent sur les tendances afin de prévoir le futur. Ils sont indispensables à l’évaluation qui est restée jusqu’à présent étrangère au service public. La capacité à produire l’information, à la traiter et surtout à la fournir constitue un prérequis.

 Dans ce sens, la consolidation des ressources locales pourrait être touchée indirectement par la mise en place de systèmes d‘information au service des investisseurs qui en plus des capitaux investis, distribuent des revenus qui constituent une demande additionnelle sur le marché local, et sont par la même occasion de futurs contribuables pour la collectivité locale.  

 3- La levée des difficultés exogènes à la gestion communale

 La consolidation des ressources locales pourrait être recherchée par la révision du partage fiscal entre l’Etat et les Collectivités locales, celui-ci demeure très inégalitaire et son évolution ne traduit pas les changements qui se sont opérés au cours des dix dernières années en matière de transferts de compétences aux collectivités locales qui se sont traduits par l’accroissement de leurs charges. L’Etat continue à détenir l’essentiel des recettes fiscales, de surcroît il n’est pas tenu par une exigence de résultat en ce qui concerne le recouvrement des impôts rétrocédés. Plusieurs voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer le montant correspondant à ce type de taxes avant leur recouvrement. La création de nouvelles perceptions est également indispensable pour accroître l’efficacité de l’administration fiscale.

 En matière de fiscalité locale, les procédures d’approbation des arrêtés fiscaux sont incriminées. Elles sont taxées de lourdeur qui produits des manques à gagner en recettes fiscales pour les communes.

 Le découpage communal est pointé du doigt pour avoir crée des communes vulnérables par ce que n’ayant pas de ressources propres ; Ce qui fait tomber en brèche l’objectif d’autonomie financière.

 Enfin, il y a lieu de souligner que la consolidation des ressources locales pourrait être atteinte par l’adoption par les communes d’une approche participative qui dans le cadre d’un partenariat avec les autres composantes de la société civile et notamment les ONG, permet de mettre à contribution des sources de financement additionnelles et assure par la même occasion l’efficacité des services publics.

 



[1] Le patrimoine des collectivités locales, document du colloque national extraordinaire des collectivités locales, septembre 1990.

Publié dans belkhiri

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A
Very good! j'aurai souhaiter quand même une mise à jours des reflexions développées à la lumière des dernières évolutions que connait le secteur au Maroc.
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B
Merci pour vos encouragements; je ne manquerai pas de tenir compte de vos precieuses remarques.